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mercredi 30 septembre 2015

Défense de l'Etat national.


Les catalans viennent de voter pour leur indépendance. Ils ne sont pas vraiment arrivés à une majorité absolue des suffrages mais ils ont élu une nette majorité d'indépendantistes.
Si on ajoute que la Bavière a un parti Chrétien démocrate différent de celui de l'Allemagne, dirigé par une très forte personnalité - l'actuel ministre des finances Schaüble et qu'en Italie la Ligue, qui est séparatiste, gouverne une grande partie de l'Italie du nord et enfin si on se souvient que les communautés belges sont séparées l'une de l'autre par des langues différentes, comment ne pas reconnaitre que la France "une et indivisible" est en fait isolée devant une crise générale des Etats nationaux. Comment surtout ne pas voir qu'elle n'est pas elle-même a l'abris de mouvements séparatistes ? Le gouvernement est très conscient du renouveau possible du mouvement breton ; c'est même la raison pour laquelle il refuse de rattacher Nantes à la Bretagne.
Dans un monde dominé par le commerce international, Singapour et Hong-Kong sont des villes-mondes en lutte pour leur indépendance ou pour son renforcement.
Dans le cas de l'Espagne ce n'est pas sa supériorité économique qui explique la volonté d'indépendance de la Catalogne ; c'est une raison contraire ; c'est parce que Madrid dépasse de loin maintenant Barcelone dans la vie économique internationale. Les catalans cherchent a se protéger contre la domination de la capitale de l'Espagne. 
Mais la tendance dominante aujourd'hui n'est pas la fragmentation des anciens Etats ; c'est plutôt la création d'Etats homogènes, communautaires. Par exemple en Europe c'est le cas des Etats nés de la décomposition des empires, turc, russe, ostro-hongrois et même du mini-empire serbe. Ce modèle d'Etat est le plus dangereux car il porte en lui la guerre avec ses voisins.
C'est parce que je suis résolument opposé aux Etats communautaires que je reste attaché aux Etats nationaux. Car en ceux-ci des populations de cultures différentes se mélangent pour constituer une civilisation, c'est-à-dire une voix d'accès a l'universel. De petits Etats, comme les Pays-Bas ou la Suède ont créé de grandes civilisations, ont fait naitre des penseurs et des scientifiques et ont inventé des institutions. Surtout ils ont été des défenseurs de la tolérance. Je ne trouve pas de défenses suffisantes contre le communautarisme dans le multi-culturalisme qui a été tant à la mode au Canada, en Grande-Bretagne, aux Etats-Unis et même en Allemagne pendant les récentes décennies. J'ai plus de confiance dans la mixité, le mélange et même le métissage, qui aident des cultures particulières à s'élever vers l'universel. Notre vrai problème en Europe est: sommes-nous encore capable de créer une civilisation où sommes-nous réduits à être un territoire d'expansion pour la culture américaine ?  



mercredi 23 septembre 2015

En paix avec moi-même.




Aujourd'hui sort en librairie mon livre: Nous, sujets humains. Editions du Seuil .   Je me sens plus proche de ce livre que de tous ceux que j'ai écrits avant lui et même de La fin des sociétés qui m'a imposé tant d'efforts pour sortir intellectuellement des sociétés industrielles et nager longuement et difficilement vers un continent nouveau, pour quitter une société où les acteurs organisaient leurs luttes autour du travail. Je suis arrivé sur une terre où s'entendent surtout l'affirmation ou la négation du sujet humain, de ses droits et de sa dignité. Il est vrai que ma tête est encore pleine de catégories et de notions qui sont celles des sociétés industrielles où j'ai passé une bonne moitié de ma vie. Mais je commence à m'habituer aux voix que j'entends autour de moi et en moi. Ce que j'ai découvert d'abord dans ce monde nouveau c'est que partout le pouvoir y débordait la possession des ressources et consistait surtout a construire les images que les êtres humains ont d'eux-mêmes, de leur société et de leur environnement. J'ai senti se réveiller en moi le vieux thème effrayant mais éclairant du totalitarisme. Je suis si heureux d'être finalement parvenu à mettre le pied sur une terre jusque là inconnue. Si heureux que je voudrais considérer ce livre qui paraît comme mon premier livre, alors qu'il risque d'être le dernier.
Probablement parce que ce monde nouveau où je suis certain d'être entré, si il me fera entendre beaucoup de voix différentes de la mienne, me maintiendra protégé des discours structuralistes et que j'appelle post-marxistes qui m'ont si souvent fait tourner la tête sans me convaincre. J'ai aussi la quasi certitude que, quand je me suis si longtemps arrêté pour écouter la libération de Paris, les mouvements étudiants de Berkeley et de Nanterre, les manifs de l'Unité populaire chilienne, les grands mouvements libérateurs de Budapest, de Prague et surtout de Pologne, les rassemblements organisés par le sous-commandant Marcos à la frontière du Chiapas et du Guatemala et tant d'autres voix si vite éteintes, j'entendais les signaux qui m'indiquaient la direction du monde nouveau où j'allais si tardivement débarquer. Je suis au moins certain de ne pas avoir obéis aux sifflets des pouvoirs idéologiques, politiques et économiques qui prétendaient me montrer mon chemin. Certes j'ai souvent été écarté, mis de côté mais je ne me suis jamais arrêté de marcher et je sais maintenant que c'était dans la bonne direction. 
Je suis fatigué, peut-être déçu, parfois même triste, mais je termine ma vie en paix avec moi-même.

lundi 21 septembre 2015

Pourquoi le "sujet" est-il mort - pour les intellectuels - au milieu du 20ème siècle ?


Pourquoi la pensée sociale, au lendemain de la crise et de la guerre, élimina-t-elle les acteurs et leurs raisons d'agir et fit-elle la chasse à l'idée de sujet ? La réponse évidente est que les "événements", les massacres, le nazisme, tous les totalitarismes ont écrasé les acteurs sous le poids de la puissance et de la violence ; la mort a été plus forte que la vie et la répression a écrasé les convictions. Et finalement, comme l'avait prédit de Gaulle dès le 18 juin 40, c'est la puissance des armes et de l'économie qui a vaincu la machine nazie.
Plus profondément c'est parce que ceux qui parlaient alors de "l'Homme" étaient de mauvaise foi. "Le travail rend libre" est-il écrit dans le métal à l'entrée d'Auschwitz 1 et Staline n'exaltait-il pas "l'homme nouveau soviétique", Pétain à Vichy était appuyé par la hiérarchie catholique. L'appel aux valeurs ne cachait-il pas la tentation de la soumission et de la collaboration ? Il a fallu la dénonciation des totalitarismes et la perte des espoirs mis dans "le progrès" pour que nous commencions a nous tourner vers nous mêmes, pour trouver dans notre créativité et dans nos droits les raisons d'agir que nous ne trouvions plus dans "la force des choses".
Mais il a fallu un long demi siècle, une grande partie de ma propre vie pour que s'opère ce grand retournement et le "retour du sujet".

dimanche 20 septembre 2015

Ce n'est plus l'économie, c'est l'éthique qui commande.


Dans les sociétés industrielles les conflits sociaux étaient centrés sur le travail et sur l'organisation économique. Maintenant dans les sociétés de communication le pouvoir s'exerce sur les esprits et les idées plus que sur les ressources économique et le travail. C'est pourquoi je parle de pouvoir total.
Sous des formes évidemment très différentes dans les pays totalitaires, dans les régimes autoritaires et dans le monde du capitalisme financier - qui sont les trois modèles dominants de pouvoir - qui cherchent tous a dominer les esprits, les conduites et tous les processus de construction de la réalité, de formation des opinions et des représentations, des mécanismes de choix et de décision. 
A ces pouvoirs de plus en plus totaux répondent des mouvements et des protestations qui doivent être eux aussi de pus en plus totaux, des mouvements éthiques plus que politiques et démocratiques plus que sociaux et économiques. 
C'est en ce sens qu'on peut parler de conflits de cultures et de civilisations, mais qui sont aussi des conflits économiques et sociaux. L'année 2015 nous confirme cette transformation profonde de l'action collective et donc aussi de la vie de chacun. La marche du 11 Janvier a réunit des millions de participants qui voulaient défendre non des intérêts, des opinions ou des idéologies politiques, mais les libertés fondamentales sans lesquelles la démocratie n'a aucun contenu réel. Et maintenant les réfugiés syriens, victimes de Saddam Hussein, de Daech ou d'autres forces totalitaires ou autoritaires s'adressent, dans un mouvement volontaire sans précédent, à l'Europe pour demander la vie, la sécurité et la liberté. Nous découvrons aussi les intentions de Nicolas Sarkozy qui veut enfermer les réfugiés dans des camps de l'autre côté de méditerrannée et dont la voix ne porte aucune trace d'émotion.
Ce qui divise aujourd'hui l'opinion c'est l'opposition entre les défenseurs des droits humains universels et les défenseurs des identités et des protections communautaires. 
Certes, pendant plus de trois ans je me suis relativement éloigné de l'actualité pour construire une interprétation d'ensemble de la nouvelle société ; mais ce long travail m'a permis, je le crois, de découvrir l'essentiel. Comme d'autres au 19ème siècle ont découvert que le conflit des classes allait être pendant plus d'un siècle plus fondamental que les guerres entre les nations. Ma conclusion la plus concrète sur notre siècle et qu'il est plus dominé par l'éthique et la défense de la dignité humaine que par des intérêts économiques ou des conflits entre nations.




lundi 14 septembre 2015

Approcher Levi-Strauss.


Je réserve, ces jours-ci, de longues plages de mon temps à la lecture, qui obtiendra de moi de nombreuses heures, du livre d'Emmanuelle Loyer sur Levi-Strauss. Je ne donnerais pas le quart de ce temps à un exposé savant ou critique sur le structuralisme mais je suis heureux d'approcher de ce qu'il y a de plus personnel en lui, sa vie intellectuelle. Je suis touché par l'histoire des possibles apparus dans une vie prise dans son temps mais qui se transforma par une série de choix voulus ou reçus - le cas le plus extrême étant sa décision de partir pour plusieurs années au Brésil, décision qui dut être prise en une matinée - en une oeuvre qui, peu à peu, se détacha de lui jusqu'à se transformer en ce surprenant volume de la Pleiade, dans lequel ne figurent pas certains des textes les plus justement célèbres de celui qui devint "un auteur" après avoir été un chercheur et un créateur.
Les terrains, les circonstances, les influences sont différentes dans la vie de chacun, petit ou grand. Mais chacun de nous, surtout dans la cohorte peu nombreuse de ceux qui ont été conduis par une volonté de création, reconnait dans ce qu'il y a de plus personnel dans la vie d'un autre le mélange de composantes qu'il trouve dans sa propre vie. Même la différence entre le succès et son absence ne fait pas obstacle au caractère polyglotte de tout effort de création, comme de toute expédition de découverte, que le but principal en soi, la connaissance, l'action, ou la communication. Je me sens attiré vers la connaissance de ma propre histoire de vie par la découverte de l'histoire de la création dans la vie de Levi-Strauss. J'y trouve certains des éléments les plus importants dans mon interprétation de moi même et même l'idée que la société est un fait de nature, en deçà de toute historicité, ce qui est pourtant contraire a tout ce que je pense et éprouve mais qui me pose des questions qui me maintiennent vigilant. 


vendredi 11 septembre 2015

Je reprends mon blog.



Pourquoi l'avais-je (presque) interrompu ? Parce que je sentais le besoin (pressant, à cause de mon âge), de donner la priorité à l'élaboration et à la publication d'une vision d'ensemble de la société nouvelle, où nous sommes entrés. Je voulais aussi que ce type d'analyse puisse aider les actions collectives et les interventions, qui doivent traduire dans la vie publique ma conception de l'être humain comme sujet, c'est à dire comme porteur de droits et de dignité. 
Mon travail, mené sans interruption pendant trois ans et demi, a abouti a la publication de deux livres: La fin des sociétés Seuil 2013 et Nous sujets humains Seuil qui sera en librairie le 24 Septembre prochain. C'est sur ces piliers que je veux construire.
Le moment me semble donc venu d'exposer au jour le jour et en rapport avec l'actualité, les idées que j'ai élaborées pendant tant d'heures et tant d'années, car ce n'est pas mon jugement qui compte, mais celui que le monde d'aujourd'hui porte sur les idées qu'élaborent et présentent les sociologues, les économistes, les politiques et les témoins qui souffrent et qui meurent. 
Or, pendant que j'achevais de construire mes analyses, le monde vivant, souffrant et agissant a fait entendre sa voix en 2015 et a donné à mes efforts pour comprendre notre monde un écho qui les dépasse indéfiniment. Ce fut d'abord la grande marche du 11 janvier 2015 en France, après une série d'assassinats djihadistes dont les victimes les plus connues furent les dessinateurs de Charlie Hebdo; et c'est aujourd'hui l'appel de centaines de milliers de réfugiés venus surtout du monde arabo-musulman à l'Europe des droits et de la solidarité et - enfin ! La réponse positive de l'Allemagne d'abord et - je le souhaite de toutes mes forces - de la France et d'autres pays.
Le moment est donc venu pour moi d'éclairer ces mouvements où se révèlent le mieux les demandes de ceux qui souffrent et les expressions actuellement les plus fortes de la demande humaine de dignité. Je n'ai jamais voulu seulement regarder de mon bureau des foules qui défilent sous mes fenêtres. Maintenant moins que jamais. Les idées doivent combattre pour les corps qui souffrent et pour les droits des hommes, des femmes et des enfants les plus menacés.