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lundi 9 février 2015

L’esprit du 11 janvier ...





Oui, c’est indiscutable : il s’est passé quelque chose d’inattendu, d’important le 11 janvier. Que s’est-il passé ? Si nous ne savons pas le dire le souvenir s’effacera, les feuilles mortes et les déceptions recouvriront l’émotion que nous avons, en effet ressentie, nous tous qui avons participé à la marche, qui avions écrit sur nous-mêmes : je suis charlie, qui avions parlé à nos proches, et surtout à nous-mêmes sur un autre ton pendant quelques jours.
Ne cherchons pas à faire, après coup, un discours comme s’il s’agissait de nous célébrer nous-mêmes. Essayons au contraire d’écouter les mots qui nous sont venus ce jour-là. 
Je m’y essaye : il me semble que nous avons été fiers de nous ; ce qui est étrange car nous n’avions pas pris de risques, rien dit ou rien fait d’extraordinaire. La jeunesse était peu présente ; on l’a vite remarqué et c’est même dans les lycées et les collèges, et non parmi les marcheurs, que se sont fait entendre des fausses notes.
Essayons de constater seulement une évidence, d’accepter l’impression que sans avoir rien dit ou fait d’extraordinaire nous avons fait ce que nous n’osions faire et dit calmement, mais avec une conviction qui a étonné ceux qui ne nous connaissent pas ou qui se contentent de nous trouver antipathiques, que nous aussi nous croyons à quelque chose. Nous avons même donné un nom un peu surprenant, en fait assez rarement employé à ce à quoi nous croyons : la République. Mot très politique alors qu’il ne s’agissait pas du tout de politique, encore moins du rejet d’une minorité ou de peur d’une menace. Nous avons dit, sans aucune prétention et sans élever la voix, que nous croyons à la liberté, que pour nous la liberté de parler et d’écrire, de penser et de choisir est plus importante que le choix d’un dieu, que l’engagement d’accepter ses ordres et d’interdire ce qui lui déplait. Nous n’avons pas parlé de l’islam ou de la chrétienté, de mosquées ou d’églises, de majorité ou de minorité. Nous avons dit que nous étions si convaincus des bienfaits de la liberté que nous refusions d’imaginer le pire parce que la liberté, même dans ce qu’elle a de plus discutable, de plus difficile à faire accepter à d’autres, est pour nous une évidence. Et par notre présence sans vociférations et sans dénonciations nous avons bien senti que nous étions prêts à dire, comme nos amis espagnols d’autrefois : no pasaran, sans vouloir pour autant éliminer ni le Ramadan, ni les fêtes de la Sainte Vierge, ni la circoncision, ni le mariage des homosexuels à la mairie. Nous n’avons pas pris d’engagements et nous n’avons pas grommelé d’insultes.
Je ne sais même pas s’il y avait parmi nous plus de gens qui ne supportent pas le retour de l’antisémitisme ou plus de gens qui n’aiment pas la politique de Monsieur Netanyahou
Je sens seulement que nous avons été heureux de nous montrer à nous-mêmes, que nous étions capables de prendre tout seuls la décision de sortir de chez nous avec une lampe à la main et des baskets aux pieds, sans recevoir aucun ordre.
Si je m’exprimais aujourd’hui avec des mots que je n’avais pas dans la bouche il y a un mois mais que, je l’avoue, j’avais dans un coin de la tête. Je dirais au premier inconnu que je croiserais : Ah, si seulement nous étions capables de vouloir quelque chose, je suis sûr que nous pourrions le faire. Podemos ?







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