Je trouve une belle idée dans le livre de Cynthia Fleury, psychanalyste et philosophe. Elle ouvre son livre L'Irremplaçable par une opposition entre l'individuation et la subjectivation. Les hommages à la subjectivation ne sont pas si fréquents et celui-ci a du poids ! Mais il faut que cette opposition soit pleine et entière, tout en donnant une force égale aux deux formes opposées de destruction de la place centrale que nous avons accordée pendant si longtemps à la société, au social, dans nos pensées sur la grandeur humaine. Elle a visé juste en recourant au thème de l'irremplaçabilité du disparu ou de l'aimé. Thème que nous voyons ressurgir après des siècles d'apparente disparition dans les feux de la passion romantique. Nous revient à l'esprit la phrase parfaite de Montaigne parlant de La Boétie, auquel le liait une amitié profonde, qui ne fut interrompue que par la mort de son ami à l'âge de 33 ans: "parce que c'était lui, parce que c'était moi". Montaigne n'est pas la figure accomplie de la subjectivation, mais nul n'a mieux parlé que lui de l'ami irremplaçable. Plusieurs livres récents ont redonné vie au thème de la singularité, mais Cynthia Fleury a visé plus juste en plaçant au coeur de l'individuation l'idée douloureuse et captivante de l'irremplaçable.
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