Et les analystes multiplient les explications de son succès: il répond au chômage et à la perte d'espoir; il dénonce l'impuissance des partis et des gouvernements; il appelle à la défense de l'identité nationale contre les immigrants.Mais ses discours, qui justifient son action, ne l'expliquent pas. Car ils n'ont aucune contre-partie positive; ils n'annoncent aucun projet, sauf la rupture avec l'Europe; ils ne sont portés par aucune personnalité politique connue pour sa compétence économique, juridique ou internationale. Ce qui conduit à définir le Front National comme un parti anti-politique, comme les Cinque Stelle en Italie, définies aussi avant tout par un leader: Beppe Grillo, dont l'action de pur blocage a commencé à lasser les électeurs. Le Front National est fort du silence et de l'impuissance des partis de gouvernement et donc de la perte de confiance des électeurs dans les élus. C'est même ce qui le définit à son tour : il remplace l'action politique par la recherche de boucs émissaires; il appartient à la faiblesse de la vie politique, qu'il renforce par tous ses thèmes, dont aucun n'a d'aspect positif, ne propose de solution à un problème concret. Il ne faut pas le combattre en l'accusant d'être fasciste, ce qu'il n'est pas, mais en proposant aux français des débats et des choix réels. Et surtout en les convainquant qu'ils ne sont pas impuissants et que leur redressement dépend avant tout de leur volonté et de leur capacité d'agir. C'est des partis plus que des gouvernements que dépend la renaissance de la confiance dans l'action politique. Le Parti Socialiste ,qui n'est plus depuis très longtemps un parti ouvrier, n'a pas su porter les nouvelles revendications culturelles, celles des femmes, comme celles de toutes les minorités, tout en sauvegardant l'esprit universaliste des Lumières. L'UMP est déchirée par la guerre des chefs et le Centre n'existe pas. Les mécontents, ne sachant plus pour qui voter, votent pour l'anti-parti, sans même savoir pourquoi.
Autant le redressement économique ne peut être que lent au cours des deux ans qui viennent, autant les partis doivent reprendre la parole le plus vite et le plus vivement possible. Ce qui les met devant une perception critique d'eux mêmes et devant des transformations très visibles et profondes de leurs objectifs et de leur analyse du monde contemporain. Ils doivent redevenir ou devenir des mouvements citoyens d'initiative politique, en lançant des campagnes, en défendant des projets, au lieu de laisser aux médias le monopole de débats qui ne peuvent pas aboutir à des initiatives proprement politiques. Il faut remplir le vide qui s'est créé entre les gouvernements et l'opinion. Il faut que renaisse l'esprit citoyen, qui n'a rien à voir avec les comités électoraux et les négociations entre états-majors.
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