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lundi 26 décembre 2016
L'avenir imprévisible
Les français n'ont fait aucun choix positif; mais ils ont fait des choix négatifs; ils ne veulent d'aucun chef de parti. Le résultat est que la campagne est un jeu de quilles dont le résultat est imprévisible, dépendant de la dernière élimination inattendue: on attendait Sarkozy; est arrivé Juppé, puis Fillon a chassé Juppé. Logiquement Fillon devrait être chassé à cause de ses attaques contre la Sécu;Macron pourrait le remplacer au premier tour de l'élection. Et ensuite? Honnêtement, personne ne le sait mais on peut penser que les français voudront trouver quelqu'un à préférer à Marine Le Pen qui sera sûrement au second tour. Qui? Il n'y a plus personne en vue; il faut donc se retourner et repenser à Macron qui aura pris un peu de poids entre temps.La seule chose sûre ou presque est que Les français feront tout leur possible pour choisir quelqu'un du centre droit. Ils les ont tous essayés mais il ne reste plus que celui-là et au fond il a le grand avantage d'être comme tous les français: il ne sait pas quoi faire et n'a proposé aucune idée, ce qui rassure.
jeudi 10 novembre 2016
La nuit de Trump (mercredi 4 heures du matin)
Hier
j’ai dit à une amie française que je ne comprenais pas le tableau que les
observateurs nous donnent de la population américaine : une working class blanche en chute favorable
à Trump ; des minorités noires, mexicaines et autres favorables à Hillary.
Les femmes favorables à Hillary.
Mais
où sont les managers, les technologues, les entreprises innovantes, les
communicants, les scientifiques et les étudiants, tous massivement, quoique
sans conviction, pour Hillary. En un mot cette Amérique des deux côtes et de Chicago,
cette Amérique qui dirige le monde et crée l’avenir, où est-elle ?
Une
partie d’entre elle a voté pour Sanders mais Sanders lui-même s’est rallié à Hillary.
L’explication
pseudo sociologique qu’on nous donne partout, la chute de la classe moyenne et
ouvrière blanche n’est pas suffisante pour expliquer le renversement qui vient
de se produire. J’en conclus que le choc qui a fait basculer l’Amérique ne se
réduit pas à la crise économique des petits salariés blancs. D’autant que cette
crise est moins profonde que celle de l’Europe, puisque les États-Unis sont en
croissance malgré tout.
J’en
conclus sans hésiter que comme souvent les sondeurs et les analystes ont dans la
tête une représentation du pays étudié qui a 50 ans de retard. Le choc qui a
fait basculer la majorité des Américains vers Trump et dont les effets
continuaient à se renforcer au moment des élections n’est pas seulement d’ordre
économique. Les Américains se sentent menacés de manière plus globale. Ils
n’ont pas oublié le 11 septembre 2001 et les milliers de morts affreuses des
employés des deux tours du World Trade Center ; ils ont le sentiment de
perdre face à la Russie l’influence qu’ils avaient gagnée en Orient. Plus
simplement encore, après s’être identifiés à la modernité pendant un demi-siècle
ils sont repoussés vers la situation commune, la peur devant une globalisation
non dominée. En un mot, la peur de pouvoir perdre le pouvoir sur le monde d’où la
véritable disparition de cette élite éduquée qui portait les idées libérales et
une vision universaliste du monde. Trump s’enferme dans un isolationnisme
agressif, comme un simple saoudien ou comme Erdogan. Il n’y a plus personne,
maintenant que le faible mais bienveillant Obama a disparu, pour se soucier de
gérer la paix du monde. Rien d’étonnant ni de scandaleux dans tout cela mais
d’un coup tous les dangers ont augmenté et Trump a même osé annoncer tout de
suite qu’il ne ratifierait pas les accords de Paris, ce qui peut détruire en un
instant tous les progrès qui nous avaient encouragés. Le monde d’aujourd’hui
doit logiquement s’organiser autour d’une confiance dans la nouvelle économie
mondialisée. Cette confiance était très normalement appuyée par les États-Unis
qui pouvaient limiter les réactions communautaristes, identitaires ou même
totalitaires des pays qui se sentent menacés par cette alliance de la science
et des armes américaines.
Mais
maintenant que Trump est au pouvoir, qui va représenter les nouveaux droits de
l’homme ? Qui va, après les succès remportés en Europe pour les droits
sociaux, défendre les droits culturels ? La réponse risque de nous écraser
mais il n’y en a pas d’autres. Ce ne peut-être que l’Europe, ou du moins la
partie de l’Europe qui n’a pas encore complétement trahi les droits de l’homme,
que Polonais et Hongrois, si souvent aidés de ces droits de l’homme foulent au
pied en les méprisant.
Ce
n’est pas une Europe avec ou sans Brexit qui peut jouer ce rôle tellement le Royaume-Uni
nous a habitué à n’être que l’arrière cours de la City de Londres. Nous avons
besoin d’une petite Europe décidée à défendre un état de droit mais cette Europe
est incapable politiquement d’assumer une tâche aussi noble et aussi dangereuse.
Elle a donc besoin de transformer profondément sa vie politique ; Mme Merkel
a eu le grand courage de s’engager seule, mais elle est de moins en moins
suivie.
Puisque
le système français est complétement décomposé c’est aux Français à prendre la
relève en débordant leurs partis moribonds ou morts. Politiquement la France est
impuissante mais les Français sont beaucoup plus engagés que leurs dirigeants
dans la conscience des nouveaux droits à défendre, par priorité les droits
culturels et ils ont une expérience historique sans pareil pour défendre, au
nom de la nation, ce qui n’est pas national mais universel : la liberté,
l’égalité et la fraternité. On peut espérer que la France qui ne peut pas
choisir un président d’avenir mais qui peut choisir un président de transition
va se réveiller enfin, cesser de répéter les mots du passé pour apprendre ceux
de l’avenir. Je ne suis pas certain que nos voisins Allemands, Italiens,
Espagnols, Belges, Hollandais et Portugais seront disposés à redonner avec nous
à l’Europe le rôle de défenseurs d’un monde ouvert et libérateur. Mais puisque
les Américains renoncent et se limiteront maintenant à chercher une paix
blanche avec Poutine au Moyen-Orient ; c’est à nous à sortir de nos
banlieues de l’histoire et à reprendre la place centrale, plus dangereuse mais
aussi plus noble et plus généreuse qui a été plusieurs fois la nôtre dans le
passé. Je pense que nous trouverions quelques amis dans le monde, en
particulier en Amérique latine.
Je
ne dis pas que l’Europe doit substituer son hégémonie à celle des États-Unis,
je dis seulement qu’elle doit faire entendre la voix des nouveaux droits à
défendre et des nouvelles libérations à conquérir. Je suis à vrai dire plus
optimiste encore. Car j’ai assez d’estime pour l’Amérique, créatrice et libératrice,
pour penser qu’elle ne supportera pas longtemps l’isolationnisme médiocre et en
plus écologiquement dangereux de l’homme d’affaire qu’elle vient de laisser pénétrer
par effraction dans le salon ovale.
lundi 17 octobre 2016
NOUVEAU SÉMINAIRE d’ALAIN TOURAINE Directeur d’études à l’EHESS
PRÉSENTATION
J’ai crée le CADIS (EHESS/CNRS)
avec Michel Wieviorka et François Dubet en 1981, après six années consacrées à
créer une méthode – l’intervention sociologique – adaptée à l’étude des actions
collectives. Nous avons publié d’abord des livres sur la méthode, un mouvement
étudiant, les Occitans, les antinucléaires, les syndicalistes français et les
militants de Solidarność en Pologne.
Dans un monde de plus en plus
dominé par des analyses économiques ou politiques mondiales je veux construire
une analyse des acteurs sociaux en les détachant des fonctions qu’ils
remplissent dans des systèmes sociaux et des logiques imposées par des pouvoirs
absolus, donc pour créer une sociologie de la liberté créatrice, une sociologie
des droits, des significations et des cultures. Un grand nombre de chercheurs
français et étrangers ont utilisé cette réflexion et cette méthode depuis leur
création.
Aujourd’hui les sociétés
industrialisées hésitent entre le passé et l’avenir. Je veux présenter les
raisons théoriques, les pratiques sociologiques et historiques pour lesquelles
je choisis l’avenir contre le passé.
D’autre part, le CADIS doit faire
face à des situations transformées partout dans le monde et il a besoin d’une
NOUVELLE GENERATION DE CHERCHEURS. C’est à celle-ci que je m’adresse en lui
présentant les grandes orientations de ce courant de recherche sous la forme
d’un séminaire pour jeunes chercheurs et enseignants-chercheurs, à partir des
doctorants, qui se réunira pendant deux ans deux fois par mois le
jeudi de 11h à 13h à la Maison Suger. Je me mettrai à la disposition des
participants après les séminaires. Pour faciliter nos communications mes
visiteurs pourront s’exprimer en français, en anglais, en espagnol ou en
italien (ou même, si c’est nécessaire, en portugais).
Vous trouverez ci-dessous la liste
des thèmes qui seront traités pendant les 13 séances du séminaire de l’année
2016-2017.
Inscription auprès de Christelle Ceci : ceci@ehess.fr - Tél. : 01 49 54 24 57
EHESS - 190-198, avenue de France 75013 Paris, bureau 435.
La première séance aura lieu le 3 novembre 2016.
Je serai
heureux de vous accueillir.
Alain
Touraine
NOUVEAU SÉMINAIRE D’ALAIN TOURAINE
PREMIÈRE ANNÉE
2016-2017
MAISON SUGER
16-18, rue
Suger - 75006 Paris
JEUDI de 11h à 13h
PREMIÈRE
PARTIE : Fondements théoriques d’une sociologie des acteurs et de la
culture
3
novembre 2016 : Éclatement de l’idée de société.
Transformation de l’acteur social en sujet humain
17
novembre 2016 :
L’historicité. Pratiques et interprétations
8
décembre 2016 :
Les étapes de l’historicité. Sociétés religieuses, juridico-politiques,
économico-sociales, de communication et de subjectivation
15
décembre 2016 :
Subjectivation-désubjectivation : individus et sujets, désocialisation
19
janvier 2017 :
Domination. Totalitarismes et pouvoirs totaux
2
février 2017 :
Des interprétations aux pratiques : politiques, institutions,
organisations
23
février 2017 :
Intersubjectivation
2 mars 2017 : Réinterprétation des niveaux faibles d’historicité
DEUXIÈME PARTIE : Dans quelle société
vivons-nous ?
23
mars 2017 : Analyse
sociologique et récit historique
20
avril 2017 :
Fin des sociétés industrielles
4
mai 2017 : De
la production à la communication. Les interprétations de la société de
communication globalisée
18
mai 2017 :
Globalisation et empires
1er
juin 2017 :
Les niveaux de dépendances politiques
Suite en
2017-2018
dimanche 9 octobre 2016
JE REPRENDS LA PAROLE...............ALAIN TOURAINE
Je viens de publier Le nouveau siècle politique ( Seuil), livre bref qui fait suite directement aux deux longs livres: La fin des sociétés et Nous, sujets humains avec lesquels il forme une présentation générale du monde nouveau où nous vivons et des idées qui permettent de le comprendre, donc d'y agir. Sans attendre un seul jourj'ai décidé de reprendre la parole pour donner une conclusion générale à tout le travail qui a occupé la seconde partie de ma vie, celle où j'ai commencé à voir le nouveau continent dont nous nous approchions.En même temps je suivrai dans ce blog la campagne électorale dont la confusion justifie l'analyse que je viend de donner de l'impasse actuelle, l'épuisement de l'ancien siècle politique, qui tait celui de la société industrielle maintenant en déclin. Ce qui me pousse à écrire est la conscience de l'absence générale de projets et même de réponses aux problèmes actuels. Je continue à m'intéresser plus à la vie publique qu'a ma vie privée, même professionnelle, ce qui m'attriste ,parce que j'espérais y voir assez clair autour de moi pour pouvoir enfin me retourner vers moi-même, au moins pour me faire mes adieux En tous cas je ne m'enfoncerai dans le silence que quand il me sera imposé par la maladie ou par la mort.
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