Rechercher dans ce blog

jeudi 5 décembre 2013

Les français contre la France


     Depuis plusieurs décennies, les français se distinguent des autres européens par les jugements pessimistes qu'ils portent sur leur pays et sur son avenir. Il serait absurde d'expliquer des mouvements dirigés ouvertement contre les impôts et contre le chômage par un mouvement de mauvaise humeur contre le président et le premier ministre, le gouvernement ou la majorité. 
        Mais il serait plus absurde encore de croire que ces mouvements n'ont que des causes économiques. Pour parler plus clairement,  il serait absurde de ne pas voir que les crises sociales, les mouvements de mécontentement ou les révolutions  portent en eux mêmes une cause plus générale : trop d'inégalités, .la lutte des classes , des scandales financiers, un manque de confiance
        Les mots employés aujourd'hui sont d'un type particulier : ce n'est pas de leur vie personnelle que se plaignent les français,  c'est de leur vie en tant que français, c’est de la manière dont la France est gouvernée. Le mécontentement est pus politique d'économique. C'est une affaire entre la France et les français. Ces mouvements sont plus politiques d'économiques;  leurs acteurs se définissent par leur territoire plutôt que par leur profession. C'est donc une affaire entre la France et les français. C'est presque une banalité de dire que la France a été un Etat  avant d'être une Nation et une société. La France de la Révolution se faisait appeler la "grande Nation"; celle d'aujourd'hui répète sans cesse  qu'elle est une et indivisible. Étrange définition, alors qu'elle est depuis longtemps un pays d'immigration et qu'on y  voit monter à la fois une identité islamique et, comme dans toute l' Europe, une islamophobie qui tend à se substituer à l'arabophobie d'origine coloniale. 
La France politique a beaucoup lutté contre les  "corps intermédiaires"; elle a même été en 1791 jusqu'à supprimer les universités, comme les autres corporations. Elle a été plus que méfiante à l'égard des langues et des cultures régionales et elle s'est plus d'une fois définie comme jacobine. C'est même ainsi que François Furet a expliqué la pénétration du parti communiste en France. On peut même ajouter que le gaullisme qui donnait  la priorité à l'Etat l'a longtemps emporté sur le  libéralisme introduit par Giscard  d'Estaing, comme le parti  communiste a dominé le parti socialiste de 1936 à 1983, c'est-à- dire pendant un demi-siècle, tandis que la CGT, liée au parti communiste, restait la centrale syndicale la plus importante, en particulier dans les grandes entreprises publiques.
Je n'en conclus pas que les français sont des libéraux ou des socio-démocrates malheureux de devoir se déguiser en communistes, en trotskistes ou en gaullistes; ce serait même, j'en suis convaincu, un lourd contre-sens.
La réalité est que la France est plus divisée que les autres pays entre eux,  le monde public et le monde privé, l'appel à  l'unité et les exigences d'une société très diversifiée et même très hétérogène, sans même prendre en considération ceux qu'on appelle d'un terme creux : les "Outre- mer". Le malheur le plus profond de la France est qu'elle réclame plus de diversité mais juge médiocre ou archaïque  tout ce qui affaiblit l'unité nationale.
 Elle condamne la concentration des pouvoirs et des ressources à Paris, tout en étant consciente que c'est Paris qui fait la grandeur de la France comme le  pensèrent Henri IV,  la Révolution et Napoléon.
Tant qu'on n’aura pas réconcilié la tête et les jambes, l'universalisme et la diversité culturelle, le pouvoir de la majorité et le respect des minorités, les français seront mécontents de la France car leur meilleure manière de défendre ou l'unité ou la diversité est de se convaincre que l'Etat fait le choix inverse des citoyens. 
Mais comment surmonter ces contradictions? Penser qu'elles sont insurmontables est accepter un déclin national, qui se transformerait vite en catastrophe. Ce qui est probablement vrai est qu'il est moins difficile de sortir de ces  contradictions quand un pays a confiance en ses institutions politiques.  Ce n'est pas le cas aujourd'hui; nous sommes en danger.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire