Ce serait une grande erreur de croire que seuls les philosophes pensent et analysent les faits historiques dont les historiens ne feraient qu'établir le récit et que les sociologiques ne verraient que du point de vue des besoins de la société, et même d'une manière plus limitée encore par les résultats de l'analyse économique
En réalité chacune de ces perspectives, de ces lectures des faits, apporte un mode de pensée et de comprendre différent des autres. L'explication dans les sciences sociales reçoit sa force avant tout de la convergence, de l'accord de plusieurs types d'analyse. La sociologie, en particulier a besoin de s'appuyer sur le travail parallèle, différent mais aussi convergent, des historiens qui emploient d'autres mots et ont d'autres sensibilités, en particulier d'autres relations au présent. Nous devons tous chercher de telles correspondances- plutôt que des complémentarités- entre diverses approches. Car il s'agit d'étudier, à la fois d'analyser et de comprendre, des faits humains et sociaux qui ont une réalité objective mais aussi une signification subjective pour les acteurs eux-mêmes. Cette orientation est essentielle pour moi parce que c'est une de mes idées de base que la logique du système et celle des acteurs sont fondamentalement différentes. Diverses logiques s'encastrent les unes dans les autres, se combattent ou se complètent.
Je suis rappelé à ce pluralisme par la lecture attentive du livre que l'historien Christophe Prochasson vient de consacrer au grand historien François Furet, qui fut un de mes amis proches. Les mots les plus importants du langage de Furet ont été: la "passion révolutionnaire" et aussi "l'idée révolutionnaire" sans les séparer nettement et, de manière plus surprenante,le "passé d'une illusion", titre de son dernier grand livre , qui renverse celui de la derniére oeuvre de Freud, publiée après sa mort:L'avenir d'une illusion.
L'esprit révolutionnaire repose , selon lui, sur l'illusion du recouvrement parfait de la nécessité objective de l'évolution et de la volonté de libération de la classe dominée et exploitée. Jugement qu'on peut en effet porter aussi sur la religion qui soumet l'homme à la volonté divine mais lui permet aussi ,avec la foi et l'aide de la grâce divine, de transformer le monde. Les notions de l'historien peuvent apparaître confuses au philosophe, mais elles sont fortes de leur proximité avec l'expérience humaine, vécue et rêvée. C'est pourquoi elles sont si utiles au sociologue qui a un pied du côté des philosophes et l'autre du côté des historiens, sans jamais mettre tout le poids de son esprit d'un seul côté.
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