Rechercher dans ce blog

mardi 6 octobre 2015

Subjectivation / Désubjectivation


1) Subjectivation.

Pour moi c'est le mot que j'emploie avec le plus de joie et de respect à la fois ; j'en viens parfois à croire qu'il est capable par lui-même de faire apparaitre ce qu'il désigne et qui est pour moi ce qu'il y a de plus beau dans une vie humaine. Mais ce mot n'est pas encore répandu et on risque en l'employant de lui donner un sens exactement opposé à son sens réel. C'est pourquoi je veux faire connaître le sens de ce mot que j'aime avec passion et dont j'ai fait mon drapeau: la subjectivation.
Chacun comprend assez facilement que sa racine est: sujet et que par sujet je ne désigne pas celui qui est soumis a un roi ou a un maître, mais le contraire: l'être humain en tant que créateur, transformateur et aussi malheureusement destructeur de lui même et de son environnement social et naturel. 
Ce mot n'est apparu que quand toutes les lumières du sacré ce sont éteintes c'est-à-dire, quand les hommes ont commencé à être tout puissants par leurs machines, leurs connaissances, leurs armes, leurs ordinateurs… et aussi quand la plupart d'entre eux ont eu conscience qu'ils pouvaient être entièrement dominés, manipulés et détruits par les plus puissants. C'est même l'expérience du totalitarisme qui a fait renaitre les idées de sujet et de subjectivation que bien des philosophes avaient voulu étrangler. Car contre la puissance totale il ne suffit plus de défendre des droits, d'imposer des limites au pouvoir des tout puissants ; la seule défense possible est d'affirmer pour soi, mais attention ! Pour tous les êtres humains le droit supérieur d'être créateur, libre et responsable.
L'idée de sujet est réapparue pour remplacer celle de sacré, celle d'un principe créateur extérieur au monde humain. Avec la société industrielle la capacité de création mais aussi la capacité de domination et en face d'elle la volonté de libération ont fait un immense pas en avant qui nous a apporté le meilleur et le pire. Mais maintenant nous sommes plus puissants encore que dans la société industrielle, parce que non seulement nous modifions les choses avec nos machines et nos calculs, mais en plus nous modifions les esprits, les opinions, les représentations, les choix, les décisions et par conséquent nous avons besoin de nous affirmer non pas grâce à nos machines mais par nous mêmes comme des créateurs, c'est-à-dire d'affirmer nos droits fondamentaux d'être et d'être reconnus comme des créateurs. Partout s'est répandu le mot qui manifeste le plus clairement ce droit fondamental que nous voulons défendre: la dignité. Je l'avais adopté moi-même il y a quelques années déjà mais je le lis et je l'entends partout et en particulier dans les textes et les discours d'un homme qui est devenu probablement la personnalité la plus admirée dans le monde, le Pape François, qui emploie ce mot constamment. Partout on entend: je veux qu'on respecte ma dignité, je veux être traité comme un être humain, je ne veux pas être humilié. L'exigence de dignité est l'expression la plus concrète de la subjectivation. En tant qu'être humain je suis un homme ou une femme, un employé ou un scientifique, un riche ou un pauvre, un musulman, un chrétien ou un athée, mais dans tous les cas je suis, j'ai le droit d'être un sujet. Le droit d'être un sujet est au sommet de la vie moderne comme le respect du sacré était au sommet des sociétés traditionnelles et faibles.
C'est quand un individu ou un groupe deviennent des sujets, affirment leur dignité, qu'ils peuvent devenir des acteurs de libérations concrètes, culturelles, sociales, sexuelles ou autres. Et contre les pouvoirs totaux ou totalitaires si puissants d'aujourd'hui, il n'y a pas d'autre arme efficace que le soulèvement des dignités humiliées, méprisées, enfermées, décapitées.

2) Désubjectivation.

je relis mon texte sur la subjectivation et j'entends une critique qu'on me fait constamment: on m'accuse de trop parler de ce qui est positif mais de ce qui perd les batailles et pas assez de ce qui est négatif mais qui les gagne. Reproche que j'accepte et même que je revendique. Car le mal parle fort et est convaincant, tandis que la voix de la justice et la liberté reste toujours dans l'ombre et que beaucoup, en essayant d'y avancer, se font tirer dessus.
Je suis sûr d'avoir raison de parler pour ceux et avec ceux qui espèrent des libérations ; mais il faut aussi décrire dans tous ces détails le monde du mal, celui de la violence, du racisme, de l'antisémitisme, du colonialisme, du totalitarisme. Il faut montrer les traits communs de toutes les formes du mal, car elles ont toutes le même objectif: la désubjectivation.
Et il faut parler de toutes avec colère, car elles se situent toutes dans le même univers, celui du refus, de la destruction, du mépris de l'universalisme des droits humains, de la dignité des individus, des groupes, des peuples. La désubjectivation est le refus de voir le sujet dans l'être humain, dans sa vie personnelle comme dans sa vie sociale ou culturelle. Elle réduit toutes leurs conduites à l'intérêt, au pouvoir ou à la violence. Derrière tous les totalitarismes, et les maintenant debout comme le cadre maintient la toile, on voit le mépris des individus et des collectivités, le pessimisme sans issue qui prépare la soumission a un mal qu'on feint de juger invincible. 
C'est pourquoi les armes les plus indispensables a ceux et celles qui veulent combattre la désubjectivation sont l'estime de soi et des autres et le courage de l'affirmer publiquement.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire